- 12 le groupe définition générale
- 2 processus à l’oeuvre dans l’élaboration du groupe : construction du lien social
- Conclusion sur les repères historiques du groupe
12 le groupe définition générale
Comment est on passé d’un rassemblement d’individus à un groupe?
Le groupe est un mot originellement utilisé dans les beaux arts pour parler d’un ensemble d’individus représentés en peinture ou en sculpture. Ce mot a une double origine italienne (groppo) qui a une signification de nœud, de lien, désignant un enchevêtrement et une interdépendance de personnes. Ce mot est très fortement associé à « kruppa » : la masse arrondie, qui signe l’apparition de ‘idée d’égalité, de parité, une équidistance. Ce n’est pas un hasard si la représentation du groupe réunit des pairs autour d’une table ronde.
Homans 1950, the human group
« Le groupe est un certain nombre de personnes qui communiquent entre elles pendant une certaine période, et assez peu nombreuse pour que chacune puisse communiquer avec toutes les autres, non pas par personne interposée mas « face à face » ». Cette définition insiste sur le caractère limité et temporaire du groupe pour que les communications puissent se développer entre tous. L’idée d’unité de temps et de lieux est donc introduite ici.
Kelley & Thibault 1959, the social phenomenon of group
« Un ensemble d’individus devient un groupe dans la mesure où les membres acceptent une tâche commune, deviennent interdépendantes et interagissent pour la réaliser » cette définition insiste sur le caractère structuré, systémique, et la nécessaire interdépendance pour atteindre un objectif commun. Celui ci oriente les communications.
Fischer 1990
« Le groupe est un ensemble social identifiable et structuré, caractérisé par un nombre restreint d’individus et l’intérieur duquel ceux ci établissent des liens réciproques, jouent des rôles selon des normes de conduite, et des valeurs communes dans la poursuite de leurs objectifs.
Il est bon de distinguer différent types de groupes. La catégorisation suivante en propose 5 types différents classés selon deux critères : la taille et le niveau d’organisation, des groupes les plus larges et moins structurés aux plus restreints et plus organisés.
La foule est caractérisée par le niveau d’organisation le plus faible et un grand nombre de participants, ce qui la rend sujette à la contagion des émotions. Elle se constitue quand des individus sont simultanément au même endroit, même si le rassemblement a d’autres buts individuels à l’origine. Par exemple, des amateurs de rugby se retrouvent pour voir un match, mais c’est à l’origine à des fins de satisfaction personnelle qu’ils vont au stade.
La bande est caractérisée par un niveau d’organisation faible, structuré autour du chef, elle comprend un ombre plus petit de participants. La bande se constitue autour de la recherche du semblable. La bande a souvent pour cible d’autres bandes ou des éléments, qui se distinguent par leur différence, c’est à dire tout ce qui ne leur est pas apparié. La bande est réunie volontairement pour le plaisir d’être ensemble avec des personnes qui nous ressemblent et appartiennent à la même communauté.
Le regroupement comprend un nombre variable d’individus et est basé sur des relations humaines fonctionnelles, contractuelles, superficielles. La fréquence de réunion des membres est suffisamment permanente, stable et répond à l’intérêt commun des membres. Il s’agit par exemple des syndicats, partis, collectivités, associations etc.
Le groupe primaire est un groupe restreint, basé sur des relations humaines riches et chargées d’émotions, spontanées et éventuellement novatrices.
Le groupe secondaire est un groupe restreint, avec le caractère d’organisation le pus élevé. Les relations en son seins ont fonctionnelles et les buts/actions sont panifiés.
Un groupe d’amateurs de foot peut se constituer en bande, en groupement ou en foule.
2 processus à l’oeuvre dans l’élaboration du groupe : construction du lien social
21 entre totalisation et sérialisation : l’approche dialectique de J.P. Sartres du groupe
Startre: critique de la dialectique tome 1 galimard 1960
Comment expliquer un phénomène comme le stalinisme? Y a t il un moyen d’empêcher les forces vives de la révolution de se pervertir à ce point? C’est dans ce cadre que Sartre s’est intéressé au groupe révolutionnaire.
On considère l’exemple d’un arrêt d’autobus pour étudier les moments de constitution du groupe. A la station de bus, plusieurs personnes attendent. De l’extérieur, cela ressemble à un rassemblement, Sartre parle de série. Ces gens sont indifférent les uns aux autres, ne se regardent pas. Ce n’est pas un hasard: il existe par le fait que tous les individus ont un intérêt en commun: ils subissent ensemble la rareté des bus. En attendant, le nombre de personnes augmente, et ils prennent un numéro d’ordre. Ils deviennent un numéro d’une série, qui correspond à leur placement dans la file d’attente, plus ou moins bonne.
Le rassemblement se caractérise par cette sérialité c’est à dire, par la résignation par rapport à la place obtenue. Tous sont frappés d’impuissance face à la rareté des transports en commun. Certains s’impatientent, prennent un taxi, entament des actions individuelles, mais cela ne change rien à la situation. L’un d’eux soudain s’exclame: « C’est en trop, on est comme des c*ns, ça peut plus durer! » Tous le regardent, approuvent, certains applaudissent, se retrouvent en lui. Quelqu’un propose d’aller au dépôt à côté, de prendre un bus, et avant qu’il ait fini sa phrase, tous sont déjà en marche.
Ils constituent désormais le groupe des passagers de la ligne 643, qui se constitue à travers l’action qu’ils mènent ensemble et par laquelle ils surmontent leur impuissance. Quand ils se sont emparés d’un bus vide et arrivés à destination, le groupe va probablement se désagréger, ou ils déciderons de former une association, c’est à dire de demeurer sur le terrain de l’intérêt commun et s’organiseront en conséquence.
(George Lapassade, 70s, analyse institutionnelle: groupe, organisation, institution)
Pour Sartre, le groupe est le contraire de la série. Le groupe est un essai de totalisation. La vie du groupe est faite de cette tension permanente entre deux pôles opposés (la sérialisation et la totalisation). Les différents moments dans la vie d’un groupe existe comme autant d’épisodes de la lutte contre un retour toujours possible vers la sérialité. Le groupe vient de la série et se construit contre elle.
La distinction entre série et groupe pour Sartre rejette toute conception qui a tendance à chosifier le groupe qu’il soit considéré comme un organisme vivant, une machine infernale (film:cube) ou autre. Il est une construction autour du produit de son acte. Le caractère dialectique de la réalité groupale est mis en avant: tout groupe est déchiré entre un pouvoir créateur qui semble infini et l’expérience que ce pouvoir s’épuise, retombe vite dans le pratico-inerte, amorphe.
Sur le plan social, elle s’appuie sur la lutte ‘contre la rareté des bus), sur l’échange (du mécontentement, de la frustration, l’impuissance et les initiatives individuelles) et sur la violence symbolique de la lutte : l’action même du groupe crée des inégalités entre ceux qui embarquent et ceux qui sont laissés pour compte.
Dominique Oberté et Véronique Arbischer expliquent que c’est par l’action que se réalise le devenir. L’action manifeste l’existence d’un imaginaire devenu imaginable c’est à dire que cherche à se réaliser. L’imaginaire se développe à partir du manque, et vise à combler un écart entre l’existant insatisfaisant et ce qui est souhaité. Il a u caractère d’irréalité et de potentialité. En ce sens, les groupes sont des lieux de réalisation des projets humains. Il s’agit de lieux où les individus vont pouvoir transformer la situation, y être acteur, retrouver un usage très concret de leurs libertés. C’est au cours de l’action commune que la naissance du groupe arrache ses membres à l’inertie du vieux rassemblement, et leur impossibilité d’agir et de communiquer à des relations d’extériorité entre eux.
Conditions de passage du rassemblement au groupe
1 il faut que l’intérêt en commun des individus soit assez fort pour qu’il se transforme en intérêt commun. L’interdépendance au groupe est découverte dans une cause qui lui est extérieure, ici l’organisme de transport en commun. Il peut s’agir d’autre groupes avec des intérêts différents voire contradictoires. Tout groupe est une totalisation en cours, mais sa totalité est toujours hors de lui, dans son objet (ici remettre en cause le monopole de la RATP)
Stades de l’évolution du groupe: le groupe en fusion constitue le premier stade: le groupe qui nait est en fusion, et expérimente l’intégration. Il passe ensuite au groupe passion, celui ci est dans une phase d’organisation, il prend des mesures pour survivre, instaurer des contraintes, par exemple par des serments, signant un engagement. Ce groupe est capable de s’organiser, d’instaurer ses propres contraintes, de différencier les rôles, mais il est sujet à retomber dans l’inertie à force de dicter des règles, il peut devenir une fin en soi et non plus un moyen. Sa bureaucratie devient hyper fonctionnelle et peut le tuer.
Le groupe institutionnel est sa troisième et dernière phase: ce groupe a réussi à surmonter toutes les difficultés précédents et peut faire face à toutes les difficultés. Il a survécu à sa phase d’organisation et se renouvelle constamment de façon créative, à travers de nouvelles initiatives et actions.
Conclusion sur les repères historiques du groupe
En conclusion, le concept de groupe, à partir de ces repères, a d’abord une valeur opératoire et pratique. La valeur opératoire est basée sur les préoccupations des décideurs à l’origine des recherches, et donc des nouveaux modèles. L’émergence de la pensée groupale doit beaucoup à l’étroite relation entre théorie et pratique. Cette relation se retrouve dans ce que l’on a appelé l’intervention psychosociale. Cette discipline s’est très tôt positionnée comme une discipline visant au changement social. Le groupe est un important levier de ce changement.